Les haches de la préhistoire

Le peuplement de l'espace Treilliérain remonte sans doute à la Préhistoire. Mais le sol conserve jalousement les témoignages de ces époques reculées où l'homme s'acheminait vers l'humanité. Peut être, un jour, quelques charrues ou pelleteuses ramèneront-elles à la surface, bifaces, racloirs, perçoirs, burins paléolithiques ou néolithiques.
Actuellement les premières traces humaines retrouvées à Treillières remontent au néolithique récent (3000 à 2500 ans avant J.C.). Il s'agit d'une hache en dolérite découverte par un fermier du Bois Guitton, Mr Tedeschi, en 1965. Fabriquée sur polissoir dormant cette hache mesure 13,5 cm de long pour une largeur qui varie de 1 cm au talon à 4 cm au tranchant. C'est également du néolithique que datent les menhirs, dolmens, allées couvertes dressés dans la région nantaise. Certains ont cru deviner dans la «galoche de Gargantua» un monument mégalithique. Malheureusement la destruction de cette pierre, au siècle dernier, empêche toute vérification. Le seul témoignage digne de foi sur la «galoche» est à mettre à l'actif de l'historien Bizeul ; il date de 1844 :
    «A 500 m à l'est du village des Breillas… existait un assez beau pilier de pierre… Il se trouvait dans un ravin entre le village de l'Aleud et la grande route de Nantes à Rennes, d'où on l'apercevait facilement ; on l'appelait la Galoche de Gargantua, et on ajoutait que le palet du géant était à 3 km de là, au village de Pierre Plate, qui probablement en avait reçu son nom. Cette galoche qui avait 2,27 m de hauteur de terre et 3,57 m de tour à la base était un fort beau morceau de granite; et c'est ce qui, en 1831, a amené la destruction. Il a été brisé par les entrepreneurs du canal de Nantes à Brest qui en ont tiré quelques pierres de taille pour les écluses… Je l'ai vu de mes propres yeux réduit en morceaux ».
La taille de la pierre, et son appellation populaire, «galoche» (notre « cochonnet »), fréquemment donnée aux menhirs de la région au Moyen-âge, plaident pour la thèse du mégalithe.

Entre La Ménardais et La Loeuf, l'endroit où se trouvait la "galoche"

Du néolithique à la fin de l'Age du bronze, aucun écho ne nous parvient d'une éventuelle implantation humaine sur le territoire de Treillières. A l'extrême fin de l'Âge du bronze (vers 600 ans avant J-C), quand déjà les sociétés de l'Europe centrale s'engagent dans la métallurgie du fer, l'Armorique produit des haches à douille en bronze, dont la fonction est encore incertaine.

En 1966, Etienne Jarnet, fils des agriculteurs de La Gîte, en découvrit 41 en hersant un champ situé à proximité de la ferme de ses parents, au lieu dit « les friches ». Il avait 18 ans et travaillait à la ferme en qualité d’aide familial. Il raconte : « Le 11 juin 1966, en passant la herse, trainée par un cheval, sur une parcelle qui avait été labourée pour la première fois par un tracteur, je déterrai quelques morceaux de métal verdâtre. Je crus que c'étaient les dents d'un ancien instrument aratoire. Je les mis en hauteur sur un tronc de pommier, sans m'en soucier plus ». Quand trois à quatre semaines plus tard Etienne fait part de sa découverte en famille, son père lui conseille de montrer ça au curé de la paroisse, Georges Bernard, féru d'histoire et passionné d'archéologie. Ce dernier les estime être de l'Âge du bronze (700 à 600 ans avant J-C). Fort de ces informations, Etienne Jarnet retourna sur les lieux pour fouiller le sol. Au final, ce sont 41 haches qui furent exhumées.

La Société nantaise de préhistoire s'empara de la découverte et dépêcha ses meilleurs spécialistes de l'époque. Les objets furent remis au Dépôt de fouilles départemental de Loire-Atlantique et dûment répertoriées. Ils firent l'objet d'une analyse détaillée au Laboratoire d'anthropologie préhistorique de Rennes (Ille-et-Vilaine). Jacques Briard (1933-2002), préhistorien et archéologue breton de renom, rédigea en 1969 une étude fort précise du dépôt treilliérain.

Selon lui : « Les haches étaient enfouies à mi-pente d'un petit vallon où coule le ruisseau du Pont-Guérin, endroit aussi bien propice à un habitat qu'à l'installation d'une petite forge. Quelques brides noirâtres auraient été remarquées au-dessus des haches au moment de la découverte ».

Cet indice pourrait permettre d'estimer, sans certitude néanmoins, que les objets étaient stockés dans un coffret en bois. D'une longueur moyenne de 10 cm, toutes les haches possèdent un anneau latéral qui permettait sans doute de les lier les unes aux autres. Elles ont même fait l'objet d'une analyse chimique poussée, afin de connaître leur composition. Le métal est hétérogène : du plomb surtout, mais aussi à faible teneur, de l'arsenic, de l'antimoine, de l'argent, du nickel…  Pour Jacques Briard : « Elles sont caractéristiques de haches à douille de type armoricain ».

De nombreux dépôts ont été ainsi découverts dans l’Ouest depuis la Mayenne jusqu’ au Finistère sans oublier la Manche mais avec une plus forte concentration en Bretagne (dont des dépôts à Saffré, Donges… pour la L-A). Le plus important, celui de Maure-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) contenait plus de 4 000 pièces ! Une chose est sûre, ce ne sont ni des outils, ni des armes : trop fragiles !

Alors à quoi pouvaient-elles bien servir ? Des historiens estiment qu'elles sont la marque identitaire de peuples gaulois alors présents en Armorique. Certains pensent qu'il s'agit d'objets rituels. Jacques Briard penche pour « Des haches monnaies utilisées pour des échanges commerciaux. L’intérieur des douilles est souvent bourré de fragments de métal ayant pu jouer le rôle de complément de mesure ». Une monnaie sujette à des dévaluations par adjonctions toujours plus fortes de plomb dans les alliages. Ces haches-monnaies auraient été thésaurisées pour affirmer la puissance et la richesse de leurs propriétaires. Ce qui pourrait expliquer qu'on les découvre souvent enfouies dans le sol. Trésors cachés ?

Le sol de Treillières recèle peut-être encore des trésors archéologiques. On le remue beaucoup en ce moment au fur et à mesure que le vieux bourg rural devient ville. Nos ancêtres lointains y ont peut-être laissé d'autres traces de leur présence ou de leur passage ?

            Soyons vigilants.

 

                                                                          Loïc BONNET et Jean BOURGEON

 

Sources :

  • Ouest-France : 2 août 1966 et 31 juillet 2017
  • Un dépôt de bronze final : les haches à douille armoricaines de Treillières (Loire-Atlantique), monographie de Jacques Briard, publiée en 1969, à l’occasion de la XIXème session du Congrès Préhistorique de France

Les haches en bronze découvertes en 1966 et photographiées par Etienne Jarnet