Trélières ou Treillières ?

Treillières avec un ou deux i ?

C’est la sixième question à l’ordre du jour du Conseil municipal de Treillières le 20 février 1910 :

« Par lettre en date du 15 janvier 1910, Mr le Préfet soumet à l’approbation du Conseil municipal, une légère modification dans l’orthographe du nom de la commune, qui d’après Mr l’Archiviste Départemental devrait en effet s’écrire Trellières et non Treillières.

Après examen de la question, l’assemblée communale (qui suppose que Treillières vient de treille, (comme Vigneux de vigne) ne voit pas la nécessité de modifier l’orthographe du nom en question et demande le maintien de Treillières avec deux i ».

 

Et si l’Archiviste départemental, le très érudit Léon Maître, avait raison ?

On ne sait de quelle lune est tombée ce premier i mais il pointe bien tardivement. Treliera apparaît pour la première fois en 1123 dans une charte de Louis Le Gros puis il mue en Treslières (1278) et Trelières enfin en 1456 dans le Pouillé du Chapitre cathédral de Nantes. C’est dans cette dernière tenue qu’il pose pour la première fois dans le plus ancien registre conservé aux archives municipales en tête de la première page du registre des mariages : « En ce présent papier sont rapportés les noms et surnoms de ceux qui ont sponsé en l’église de Trelieres ».

Aux 17e et 18e siècles les scribes n’en font qu’à leur tête. Ainsi, en 1739, dans le premier registre des délibérations du Général de la paroisse (l’ancêtre de notre conseil municipal) le juge du Présidial de Nantes qui certifie le registre écrit Treliere alors que juste au-dessous le curé Jayer opte pour Treilliere.

Peu à peu les deux L se fixent au centre du mot, peut-être pour donner de la hauteur à cette commune très attachée à la terre, mais le i souvent privé de son frère se balade beaucoup de chaque côté des L tandis que le S s’enfuit parfois et disparaît sans laisser d’adresse. Ainsi sous la Restauration (1815 – 1830) par souci d’économie on mange souvent le S et un I pour un maigre : Treillère.

Ce n’est qu’à partir de 1830 que Treillières s’impose. Des érudits locaux, souvent des aristocrates légitimistes renvoyés par la Révolution de juillet (1830) à leurs châteaux et à leurs études  se piquent de régionalisme breton et se plongent dans le passé médiéval à la recherche d’un âge d’or révolu. Ainsi le vicomte Edouard de Kersabiec, membre de la Société Archéologique de Loire-Inférieure et dont le père, propriétaire de la Louinière fut maire de Treillières, écrit dans le Bulletin de la Société archéologique en 1863 :  « Au 5e siècle, je crois que les Bretons de Waroch vinrent chez nous y faire la vendange, car il me semble que les pays en-deçà de la Loire, où les vins se récoltaient en abondance, devaient être ceux qui méritaient les noms de « Vallée d’or » (Orvault), « Pays des treilles » (Treillières) et pays des Vignes » (Vigneux) ».

Cette explication aussi simpliste que fantaisiste imposa Treillières (que l’on devrait prononcer avec un yère central, bien mouillé du jus de la treille : trèyère) alors que les gens du pays prononcent un tré-lière plus rugueux à l’image de l’ancien tord-boyau local.

Et si Léon Maître avait raison ? Cachez ce i que je ne saurais prononcer.

 

Jean Bourgeon